HORREUR
MESQUINE PAMEE du soleil brun qui t'aveugla jadis à l'orée
tumultueuse d'un bois dissymétrique, tu sais que tes pas ne peuvent
plus te conduire vers la liberté fallacieuse du jour, mais qu'au
bout de tes harassements se trouvent les eaux boueuses de la Ténèbre,
où, esquif, tu te prélasseras dans un parfait malheur.
Sous tes rides frontales irritées de
verdures venimeuses, ton passé se retourne, couleuvre prostituée
d'amandes, et fore dans tes mains des actes inversés.
Les fruits verts cueillis sur les
chemins de ton amour sont pulvérisés par leur force intérieure qui
t'éclabousse en plein visage et t'enchaîne à la terre d'ombre où,
suant le dégoût de toutes les vies humaines, tu te traînes en une
meurtrière immortalité;
Tard dans la nuit des brousses, entouré
des fauves impatients, tu te meus avec une difficulté accrue, à
tout instant par l'action du nerf étranger qui se noue dans ta gorge
trop étroite pour un tel fardeau.
Sur le point de trahir le faux espoir
que tu révères, tu laisses aller ton corps à la grande fatigue.
Prisonnier d'une chair étrangère où
tout autour de moi meurt de bonté, tu dors avec les gestes du
nageur, et tes rêves égarés sur les plantes créent devant toi
l'impassible paysage de tes vies prénatale et postmortelle au
travers desquelles il te sera donné de reconnaître une voie assez
insalubre pour te mener sans heurt au terme de tes randonnées qui
menacent d'user prématurément le mécanisme complet de ton
individu.
Neuvième animal, extrait du recueil "A
l'animal noir", chez Eric Losfeld